Immersion dans l’unité Oasis, une unité de soins pour patients autistes adultes

L’unité d’hospitalisation Oasis accueille actuellement 8 patients présentant un Trouble du Spectre Autistique (caractérisé par des dysfonctionnements dans les interactions sociales, la communication, les comportements et les activités). Quelques-uns associent des problèmes de déficience intellectuelle et la majorité sont  « non – verbal ». Aussi les quotidiens comportements auto ou hétéro destructeurs rendent la prise en soin particulièrement difficile. Les plus âgés de ces patients n’ont pas pu bénéficier de prise en charge précoce et adaptée à leur problématique. 

Les interventions visent à maintenir des acquis, à développer des nouvelles compétences afin de favoriser une certaine autonomie et de pouvoir les orienter dans une structure médico-sociale. Cela sera chose faite en 2023, après la fin des travaux d’agrandissement de la Maison d’Accueil Spécialisée Martine Marguettaz. 

La prise en charge actuelle repose sur l’élaboration d’actions de soin du quotidien et d’accompagnement basés sur des modèles éducatifs et cognitivo-comportementales, en accord avec les recommandations de la HAS.  

Une prise en charge personnalisée, basée sur l’expérience, souvent réévaluée 
Chaque patient a un projet personnalisé, avec des objectifs dans le temps, des réajustements et des réévaluations régulières.  
Des réunions cliniques hebdomadaires, en présence de toute l’équipe de professionnels (ASH, A.S, A.M.P, infirmiers, assistante sociale, psychologue, médecin, cadre, psychomotricienne), définissent et ajustent les conduites à tenir, la prise en charge des patients autistes étant rarement linéaire. Le principe de la conduite à tenir dans ce type de prise en charge s’apparente à une démarche empirique ; c’est du recueil d’informations par l’expérience « in situ ». L’équipe avance en observant, en réajustant, en affinant la conduite à tenir en fonction des évolutions. 
Il est important que toute l’équipe ait la même manière de faire avec les patients sur un temps défini en réunion, afin d’évaluer l’effet de ladite action sur le comportement du patient.  
Parmi les outils d’évaluations fonctionnelles du parcours patient, il existe l’outil « Profils Sensoriels et Perceptifs » (PSP) réalisé par la psychologue de l’unité. Il est basé sur un questionnaire destiné à l’équipe soignante, pour recueillir des informations sur le patient. Cet outil permet d’identifier quelles sont les forces (modalités sensorielles préférées) et les faiblesses (modalités sensorielles qui posent problème) de la personne évaluée et de déterminer quelles sont les interventions à mettre en œuvre. Pour illustration, le profil de Monsieur F. a mis en évidence une surcharge sensorielle (trop de mouvements, trop de bruits, trop de lumière …), qui le conduisait à des actes hétéroagressifs. Une salle d’hypostimulation, (créée dans le cadre de la collaboration avec le Centre Ressource Autisme) lui a été proposée. L’objectif est de permettre un « reset sensoriel » et d’obtenir une diminution des comportements hétéroagressifs.  

L’accompagnement s’articule autour des actes de la vie quotidienne ; activités occupationnelles, activités thérapeutiques et ouverture vers l’extérieur  

Les activités proposées aux usagers d’Oasis varient en fonction du projet personnalisé et des objectifs à atteindre.
 

Des activités thérapeutiques proposées chaque semaine

La psychomotricienne et la psychologue de l’unité mettent en place des séances d’hydrothérapie. L’eau fournit une enveloppe aux patients ayant un vécu de corps morcelé : elle a une fonction de contenance corporelle. 
L’activité Snoezelen réalisée dans la salle du même nom est quant à elle une thérapie par stimulations sensorielles. Elle plonge le patient dans un espace sécurisant dont émanent des stimuli sensoriels doux et agréables (lumière, musique, ambiance réconfortante). Elle vise à l’apaisement du patient en se focalisant une seule modalité sensorielle dans un premier temps, pour ensuite proposer l’intégration progressive d’autres modalités sensorielles. Cela permet de vivre un rassemblement des canaux sensoriels sans expériences angoissantes. D’autres activités de médiation thérapeutique telles que de la musicothérapie ou de l’équithérapie sont également proposées et certains bénéficient de séances d’asinothérapie à la Z’âne attitude, un lieu dédié à l’univers des ânes.  
Différentes activités occupationnelles rythment également l’emploi du temps des usagers. Certains font du vélo ou profitent d’une soupe au centre horticole. L’activité « jardin des sens » est, quant à elle, un « Snoezelen naturel » : les patients sont invités à toucher les fleurs, les troncs d’arbres, les fruits, sentir l’odeur des plantes. Les patients gèrent ainsi de nombreuses informations simultanément, complétant ainsi leur profil sensoriel. Avant l’épidémie de Covid-19, les patients bénéficiaient régulièrement de séjours thérapeutiques dans des gîtes de la région, généralement pour une durée de 3 à 5 jours. L’unité accueille régulièrement des « artistes » dans le cadre de la « Culture à l’hôpital ». Des patients ont pu se rendre à un concert et un CD a même été enregistré ! 

Un travail du quotidien 

Bien que l’unité Oasis dépende du secteur sanitaire, son fonctionnement s’apparente davantage au médico-social : l’unité est leur lieu de vie.  
 
Ainsi, même si de nombreuses activités ponctuent la vie des usagers, c’est bien au travail du quotidien que l’équipe soignante dédie le plus de temps et d’énergie.  
La gestion des interactions entre les patients et le personnel soignant est notamment au cœur des attentions. L’arrivée d’un nouvel infirmier ou un nouvel aide-soignant est souvent très compliquée à gérer pour les patients qui doivent fournir un effort d’adaptation conséquent. Ils ne communiquent pas avec des mots, rendant la compréhension des causes exactes de leur angoisse, leur douleur,…  difficiles à comprendre pour l’équipe soignante. Pour les nouvelles recrues, prendre le temps d’observer et faire preuve de patience est capital pour ne pas trop perturber les patients. Les autistes étant une population très sensible, les petits changements anodins peuvent rapidement être une source d’angoisse et peuvent provoquer des automutilations et des passages à l’acte hétéro agressifs.  

Du fait du besoin d’immuabilité, il faut du temps pour instaurer vrai rapport de confiance entre patients et soignants. Sans aller jusqu’à parler d’affection, il est évident qu’il y a un lien, des interactions ; des patients viennent demander un câlin aux soignants ou s’asseoir sur leurs genoux. 

Chaque geste, parole et activité du quotidien sont une occasion de créer du lien. Les soignants d’Oasis font un énorme travail d’accompagnement. 

Des traitements pour soulager, à défaut de pouvoir guérir   

L’autisme étant un handicap et non une maladie, il n’y a pas de traitement. On peut en revanche prescrire un traitement visant à lutter contre l’agressivité, les angoisses et les automutilations.  
Les soignants doivent toujours se demander s’ils sont face à un trouble organique, à un trouble anxieux, à une douleur ou à une perturbation sensorielle non perçue par les soignants mais invalidante pour le patient.  
Face à la multitude de différences cliniques entre les autistes, les accompagnements médicamenteux sont très différents.  

L’automutilation et l’agressivité font partie du quotidien 

Les soignants peuvent se sentir démunis quand les patients s’automutilent, impuissants quand les actions mises en place ne fonctionnent pas.  Ils sont également confrontés à des passages à l’acte hétéro agressifs avec parfois un retentissement personnel. 
Il est donc important de ne pas banaliser le contexte difficile de cette prise en charge très spécifique. Ainsi, les soignants sont suivis par la médecine du travail ; la psychologue du travail vient à leur rencontre tous les 15 jours pour discuter des difficultés rencontrées (violence, préoccupations d’équipe…), ou proposer une séance de relaxation. Cette rencontre remplace celui de l’analyse des pratiques (vacations). 

L’avantage du dépistage précoce  

Force est de constater que les soignants sont unanimes : la prise en charge précoce ne peut être qu’aidante. Ce qui est fait en pédopsychiatrie aujourd’hui a un réel impact et il y aura probablement de moins en moins de patients dans l’unité Oasis à l’avenir.