Le chariot Snoezelen du pôle 59g24

Caroline Gury, psychomotricienne et sophrologue au pôle 59g24, est également formée au Snoezelen. Un concept venu des Pays-Bas dans les années 70, destiné à l’éveil sensoriel, la stimulation psychocorporelle ou encore la détente. Le mot Snoezelen vient de la contraction des deux mots néerlandais : "snuffelen" qui veut dire "sentir, ressentir" et "doezelen" qui veut dire "somnoler, détendre".

La pandémie ayant bouleversé l’utilisation des salles Snoezelen de l’établissement, elle a eu l’idée de faire construire un chariot Snoezelen mobile, pour que les patients hospitalisés au 59g24 puissent continuer à bénéficier de l’activité et à vivre un voyage sensoriel, tout en respectant les règles sanitaires.

Bonjour Caroline, pourriez-vous nous décrire votre chariot et sa genèse ?

Avant mars 2020, les patients avaient la possibilité d’utiliser l’espace Snoezelen du PATIO, sur réservation de créneaux. Cet espace est une salle de stimulation sensorielle confortable et rassurante dans laquelle l’accent est mis sur la stimulation des cinq sens par la musique, les jeux de lumière, la vibration, les sensations tactiles et olfactives. Cet espace propose de stimuler les sens dans une atmosphère apaisante, par le biais de diverses expériences proposées lors de séances d’une demi-heure environ. Malheureusement avec le protocole mis en place à cause de la crise sanitaire, nous ne pouvions plus sortir du service. J’ai donc réfléchi à l’idée de créer un espace détente qui vienne directement aux patients : au début, je me déplaçais avec tout mon matériel dans un sac - une enceinte pour la musique, des balles sensorielles… Mais cela demandait quelques aménagements, plutôt fastidieux. Alors l’idée du concept mobile m’est venue naturellement, puisque notre unité ne pouvait pas accueillir une salle Snoezelen par manque de place et de budget ! Comme chaque service a reçu à cette période une subvention de la FHF (Fédération des Hôpitaux de France), j’ai réfléchi à ce que nous pouvions faire concrètement et techniquement, et je suis partie sur l’idée d’un chariot mobile ! Cet outil a été pensé pour être déplacé dans tout le service et/ou dans les chambres. Une fois le projet validé, un budget de 1000€ nous a été attribué : il a fallu optimiser les dépenses pour concevoir le chariot. Nous avons tout d’abord récupéré un ancien meuble au magasin de l’EPSM. Il fallait encore réfléchir à comment créer la structure du chariot. Après quelques recherches et avec l’aide, notamment du service menuiserie, le projet a pris forme peu à peu. Nous nous sommes posés beaucoup de questions : quelle taille, hauteur, largeur ? Comment l’alimenter en électricité ? Où mettre les roulettes pour soutenir le poids du chariot une fois équipé ? J’ai donc fait des plans et des dessins que j’ai montré aux services techniques de l’EPSM. Nous avons travaillé ensemble durant quelques mois pour trouver les matériaux adéquats. Ils ont été à l’écoute et le résultat était à la hauteur de mes attentes, et d’ailleurs je les en remercie ! Une fois la base du chariot prête - avec le meuble, les roulettes, les prises électriques, les supports pour le matériel, les poignées… le tout sur-mesure - nous l’avons customisé et avons ajouté divers équipements : une colonne à bulles, des fibres optiques, un matelas massant shiatsu pour le dos et la nuque, un poste de musique, un projecteur lumineux, une couverture lestée de 10 kilos, un diffuseur d’huiles essentielles, diverses balles sensorielles de tailles et textures différentes, et d’autres objets sensoriels. Le chariot a pour vocation d’évoluer dans le temps, avec de nouveaux objets ou un nouveau meuble par exemple.

Comment se déroule une séance ?

L’avantage du chariot mobile est qu’il peut se déplacer partout dans le service. Les séances peuvent donc avoir lieu dans la chambre du patient, s’il est alité, ou dans la bibliothèque, un espace calme et tranquille du service, en groupe ou en individuel. Je reste dans le service deux demi-journées par semaine, tout l’après-midi pour rencontrer les patients. Certains viennent d’eux-mêmes, juste pour observer, ou sont attirés par les lumières du chariot. D’autres sont volontaires, lorsque je vais à leur rencontre, après échanges avec l’équipe, selon les pathologies et besoins de chacun. Souvent, quand les patients me voient passer dans le service avec le chariot, ils me posent des questions et cela permet d’engager la conversation. Cela permet également de créer l’envie chez certains plutôt réfractaires à l’idée de vivre une séance Snoezelen, avant la découverte du chariot. La durée de l’atelier dépend de la disponibilité corporelle et psychique du patient (entre 20 à 45 minutes le plus souvent). Je prépare d’abord l’espace en amont. J'installe le fauteuil massant, le « pouf cocon» sur le sol si certains veulent s’y installer, quelques lumières douces… En arrivant le patient choisit sa place dans l’espace de la pièce et après quelques échanges sur son état de l’instant, il se laisse guider par ma voix et ses sens. Généralement ce que les patients préfèrent, ce sont les stimuli visuels avec les fibres optiques et la colonne à bulles. Le loto des odeurs a moins de succès…Tout au long de la séance une relation de confiance, dite « alliance thérapeutique », se crée dans ce cadre sécurisant et bienveillant. L’entrée en relation peut se faire par un contact direct, ou indirect, via le toucher thérapeutique avec les balles sensorielles, des auto-massages, ou encore le contact de la couverture lestée qui renforce la conscience de l’enveloppe corporelle et apporte une forme de contenance et sécurité pour certains. Les autres sens sont également sollicités :  la vue avec la colonne à bulles et d’autres stimuli visuels ; l’ouïe à travers la musique et le son de certains objets (bol tibétain, bâton de pluie, etc.) et l’odorat grâce notamment au diffuseur d’huiles essentielles. Pour le goût, j’utilise des techniques de visualisations, en faisant appel à leur mémoire sensorielle pour éveiller ou réveiller leur sensorialité. En fin de séance nous prenons un temps pour échanger sur leur vécu et leur expérience.

Avez-vous participé à une formation spécifique Snoezelen ?  

J’ai effectivement été formée au concept Snoezelen, ici à l’EPSM, par le biais d’une formation qui s’est déroulée dans la salle Snoezelen du PATIO. Toutefois, en tant que psychomotricienne, j’avais déjà acquis des connaissances et techniques autour de la stimulation sensorielle lors de mes études. J’ai également effectué une formation en sophrologie sur trois ans, me permettant d’alimenter mes séances avec des techniques de relaxation plus spécifiques. Tout soignant formé au Snoezelen peut animer une séance. Il me semble important de préciser que dans un espace Snoezelen, le professionnel guide la séance, sans la diriger, il accompagne l’autre dans une forme de « non-attente » sans inhiber les actions du patient : c’est en cela que la formation est essentielle, dans la posture du professionnel vis-à-vis du patient. C’est donc souvent le patient qui initie l’action, sauf dans le cas d’une personne apathique ou en manque d’élan vital où le soignant viendra la stimuler par le biais des sens. Le professionnel est le support de l’action, il la soutient. Il veille à s’adapter au rythme de la personne, à être à l’écoute de ses demandes, à contrôler les stimulations et adapter l’ambiance multi-sensorielle (intensité de l’éclairage, couleurs des lumières, volume des musiques et des stimuli sonores…) selon ses réactions, à proposer et apporter son aide, si un déplacement est nécessaire.

Quels sont les objectifs d’une séance de Snoezelen ?

L’un des principaux points forts est aussi l’adaptabilité au patient. En psychiatrie, le corps est souvent "négligé", peu investi, chez les personnes présentant des troubles psychiques, voire désinvesti pour certains. Ces sujets vivent souvent des perturbations de leur "vécu corporel" et les sensations du corps ont du mal à être organisées. L’approche Snoezelen a pour but d’éveiller la sensorialité de la personne stimulée, grâce à une relation privilégiée, sécurisante, réduisant les tensions tout en motivant à l'action au service d'une réalisation de son être. Elle permet d’induire un état de détente, de bien être, de relaxation, de diminuer les troubles du comportement (agitation, angoisse, agressivité, opposition, apathie…), de favoriser l’initiative motrice et la communication (verbale et non verbale). Le Snoezelen  s’adresse à des personnes de tout âge et à publics divers (crèches, IME, post-cures, EHPAD, unité de psychiatrie, etc.). La pratique du Snoezelen est avant tout une affaire de savoir-être sensoriel de la part de la personne stimulante envers la personne stimulée.

 

 

 

 

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