interview croisé : Dr Patricia Do Dang et Delphine Chenu

Delphine Chenu & Dr Patricia Do Dang


L’exposition « six semaines après » s’inscrit dans un projet de prévention autour de la dépression post-natale. Ce projet est porté conjointement par l’EPSM et le CLSM lillois dans le cadre de la politique culturelle de l’EPSM avec le soutien de la DRAC et de l’ARS des Hauts-de-France.

AE : Quel est l’objectif de cette exposition ?
PDD : L’objectif principal de cette exposition est de montrer les mères dans leur réalité quotidienne, loin des clichés aseptisés et idéalisés de la maternité véhiculés par la société et les médias habituels. Elle cherche à bousculer les fausses représentations et à permettre aux mères de s’identifier à d’autres qui leur ressemblent. Elle vise ainsi à déculpabiliser celles qui souffriraient de ne pas se retrouver dans les images lisses et mythifiées de la maternité, très éloignées de leurs vécus. Cette exposition se veut témoin de la vie ordinaire des mères d’aujourd’hui, dans leur diversité, sociale et culturelle et proche de leurs préoccupations.

AE : Vous avez donc fait appel à une photographe, Delphine Chenu ?
DC : Lorsque que Patricia Do Dang et Maud Piontek m’ont proposé de travailler sur cette thématique, je me suis sentie de suite connectée. En tant que femme et mère de deux enfants que j’ai allaités il y a déjà plusieurs années, la dépression post-natale me touche et m’intrigue car les non-dits sont nombreux autour de ce sujet. L’idée étant de ne pas idéaliser « la maternité » mais de la montrer dans ce qu’elle a de plus naturelle, avec les bons et les mauvais côtés, de donner à voir des images auxquelles de nombreuses femmes pourront s’identifier, car, la maternité n’est pas que «belle», elle porte aussi son lot de souffrance.

AE : Comment les rencontres avec les mamans « modèles » se sont-elles passées ?
DC : C’était super fort.
Photographe portraitiste depuis douze ans, j’ai l’habitude de capter « l’âme » de mes modèles mais là c’était toujours avec une charge émotionnelle très puissante. Ma tâche était de capter différents moments : le bain, le change, le jeu, l’endormissement, l’habillage, l’allaitement etc... Suivant le contexte, le bébé pouvait être entouré par sa maman mais aussi par d’autres membres de la famille: les parents, la grand-mère, les frères et soeurs etc. Les mamans m’ont laissé entrer tellement généreusement dans leur intimité, c’était incroyable !

PDD : Cela témoigne à mon sens d’une très grande solidarité entre femmes lorsqu’on parle de maternité et aussi de la fragilité psychique liée au bouleversement émotionnel de la naissance du bébé… Les mères sont à ce moment à la fois fortes et très vulnérables. Nous n’avons pas eu trop de mal à avoir des candidates, beaucoup se sont senties investies d’une envie de délivrer un message de soutien, de solidarité, à toutes les autres mamans.

AE : L’expo a en effet pour but de diffuser un message préventif sur la DPN ?
PDD : La dépression post-natale est un problème de santé publique par sa fréquence d’une part, 10 à 20% des femmes étant touchées, par la souffrance psychique intense qu’elle entraîne chez les mères d’autre part, et enfin, par ses conséquences possibles sur la santé psychique du partenaire et sur le développement du bébé. Malgré sa fréquence, la dépression post-natale est une affection qui reste méconnue, tant des professionnels que des femmes elles-mêmes.
Par ailleurs, c’est un sujet tabou dans notre société où la notion d’instinct maternel est encore très présente et où l’on se représente les maternités comme obligatoirement heureuses.
Également, devenir mère est souvent considéré comme la plus importante réalisation de la femme et comme son rôle « naturel ». Ces croyanceset représentations font partie des éléments à l’origine de la dépression post-natale.

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