Corps-et-Graphie

Airelle Maillard, Olivia Mouney et Magalie Sury, psychologues au 59i13


Une variation en groupe à visée thérapeutique

Avez-vous déjà dansé comme un lion ? Vous êtes-vous déplacé comme un serpent, rampant au sol? Ou encore, quel geste pourriez-vous faire qui signerait l’individu que vous êtes dans l’instant ?

Les danses totémiques reprennent des mouvements figurant l’imaginaire. Construite sur les rythmes dits « primitifs » que sont la pulsation (« beat ») et la cadence (« groove », « balancement »), l’Expression Primitive créée par Herns DUPLAN et reprise dans les stages de France SCOTT BILLMAN, est « au-delà de la danse, une démarche anthropologique, conduisant l’individu à une recherche, en soi et à travers le groupe, de sa propre genèse » (Herns Duplan)

Durant l’année 2016, le secteur 59i13 a vu se créer une démarche intra-sectorielle originale s’adressant aux jeunes enfants.

Nous sommes trois psychologues ayant mis à profit nos formations professionnelles (Expression Primitive, groupes thérapeutiques) et nos sensibilités personnelles (pratiques et enseignement de la danse et de la musique) en observant les besoins d’accompagnement et l’affluence des demandes. Cette création rythmée, rituelle, collective accueille tous les lundis 8 enfants rencontrant des fragilités psychocorporelles, des troubles de la relation, du langage, des difficultés liées aux modalités d’attachement, d’individuation et de subjectivation.

Lors de ces séances, nos fonctions sont différentes afin de répondre aux enjeux transférentiels recherchés :

-Le « Co-thérapeute encadrant » occupe une fonction « d’interface » entre l’intérieur et l’extérieur et contient les débordements (accueil du groupe, retrouvailles avec les parents, sorties pendant la séance, garant du temps, script de séance).

-Le couple d’animateurs thérapeutes fait peau-commune (1) avec le groupe. Il invite les enfants dans l’expression dansée, rythmée par les musiques, la voix et au travers d’ateliers, sous tendu par un transfert parento-filial (2)

Le travail de l’archaïque confronte à un transfert symbiotique qui nécessite une tiercéité. Grâce à la fonction de Co-Thérapeute encadrant, le groupe peut prendre appui, afin de permettre que s’élabore un « entre deux » nécessaire à l’altérité.

A travers l’Expression par la Danse nous accompagnons l’enfant à vivre autrement ses éprouvés. L’enfant qui « entre dans la danse » raconte dans un premier temps quelque chose de lui-même qui lui échappe en partie. L’expression de ses émotions et les interactions avec le groupe favorisent ensuite l’élaboration autour de ce « quelque chose » : un accès à la symbolisation par une reprise en parole de ce qui vient de se vivre dans le groupe. Ce deuxième temps de mise en récit, aussi essentiel que la narrativité corporelle première, permet dans l’après-coup de retransformer ce que le corps pulsionnel vient de dire.

Enfin, ce travail est rendu possible par ce que le Professeur DELION nomme fonction sémaphorique : un portage par les entours professionnels. Aussi, nous avons sollicité une supervision auprès de Julio GUILLEN, psychologue clinicien au sein de l’EPSMAL exerçant en psychiatrie adulte. De même, chaque accompagnement de l’enfant est soutenu par la rencontre de ses parents et le travail en constellation avec l’équipe soignante. La prise en soin n’est-elle pas également une chorégraphie plurielle ?

  1. et (2) Rosa Jaitindu même auteur et co « Défaut de symbolisation et aménagement des dispositifs dans le groupe thérapeutique d’enfants »
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