Regards sur le film « La tête haute », avec Emmanuelle Bercot - AE #28

Par Ophélie et Katia
(Les prénoms ont été changés)

L'équipe de la Clinique ado de Wasquehal avait construit sur plusieurs semaines un groupe de travail autour du film « La tête haute » d'Emmanuelle Bercot, avec des adolescents en grande difficulté. Le projet était de visionner le film puis d'interviewer la réalisatrice, Emmanuelle Bercot, qui était d'accord. Deux adolescentes, Ophélie et Katia, âgées de 14 et 16 ans, et Ludovic, un adolescent de 14 ans, tous ayant eu un parcours de placement, s'étaient montrés intéressés.
Chacun d'eux ont connu des relations intrafamiliales pathologiques marquées par la discontinuité et la violence. Ils ont visionné le film avec l'équipe, mais seules les filles ont finalement souhaité s'exprimer, et l'interview n'a pu être réalisée en direct malgré ses débuts prometteurs... Nous retrouvons ici les ressentis d'Ophélie et Katia, et la réaction d'Emmanuelle Bercot à celles-ci. En espérant que les échanges continuent...

Ophélie :  « ce qui m'a plu, c'est la violence de Malony... je me suis vue... en même temps, je me suis dit que si je continuais comme ça, j'allais finir en prison ». Ophélie et Katia ont bien compris les liens pathologiques marqués par l'insécurité et l'incestualité entre l'adolescent et sa mère.

Ophélie : « la mère elle est soit complice, soit elle le rejette »... » « C'est pas une mère, comment elle crie sur son bébé et son fils dans le bureau du juge ! »...
« Je comprends pas, un coup elle le critique, un coup elle rigole avec »...

Katia : « c'est du copinage malsain ». Ophélie et Katia ont vivement réagi à l'attitude du juge pour enfant, ressentie comme « louche », « pas comme dans la vraie vie » avec l'idée qu'aucun juge dans leur parcours n'avait fait preuve d'autant d'investissement affectif... Ophélie a été touchée par la fin du film « qui donne de l'espoir ». Pour rappel le film se conclut par l'image de Malony, tenant son bébé dans les bras après l'avoir présenté à la juge, et descendant les marches du palais de justice. Etait-ce volontaire de la part de la réalisatrice de montrer Malony seul avec son bébé à la fin du film ?

Emmanuelle Bercot : il était bien entendu volontaire de ma part de monter Malony seul avec son bébé à la fin, mais sans du tout y associer les symboles évoqués dans les débats par des pédopsychiatres, symboles d'une fragilité du couple parental et d'une impossibilité « d'être à trois »...
Bien souvent les spectateurs voient dans les films bien plus que ce qu'on y a mis, et c'est ça qui est passionnant pour nous... On en apprend souvent sur ce qu'on a créé en écoutant les autres...
Je voulais, cela oui est délibéré, laisser une fin ouverte où chacun pourrait selon sa sensibilité imaginer un futur pour Malony - schématiquement : il va s'en sortir/ Ou pas.
Qu'il soit seul avec son enfant -sans la mère- ne sous-entend pas qu'il y ait déjà rupture parentale ou relation fusionnelle avec l'enfant, mais l'envie d'un dernier tête-à-tête avec la juge. Les désirs de fiction sont parfois d'une banale simplicité. Ce qui est sûr c'est que ni moi, ni personne ne saura jamais ce que Malony a fait de sa vie, ni de sa paternité...

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