Patrice Robin, écrivain - AE #17

L’écrivain Patrice Robin est indirectement le sujet de ses propres écrits, parce qu’au fil des rencontres vécues dont ses personnages s’inspirent -ses parents, ses amis, les patients d’un centre médico-psychologique pour ados ou ceux de notre établissement- il se découvre un peu chaque fois lui-même… Après son baccalauréat, Patrice Robin devient ouvrier et entre à l’usine. Il est par la suite comptable, en région parisienne. Membre d’une troupe de théâtre, auteur de trois spectacles, il devient animateur culturel dans le domaine du spectacle vivant puis dans celui du cinéma. Il anime aujourd’hui des ateliers d’écriture, à Lille, où il réside, et qu’il évoque dans son dernier roman « Une place au milieu du monde ». Il a été accueilli en résidence pendant plusieurs mois en 2014 dans les activités horticoles de notre établissement, et raconte…

Être écrivain n’est-ce pas un peu fou ?
Ce qui l’était pour mes petits quincailliers de parents c’était que leur fils veuille devenir cinéaste à 17 ans, un artiste. Ça ne l’était pas pour moi qui regardais la (toute nouvelle) télévision, allais 2 fois par semaine au cinéma de la petite ville, passais mon temps à filmer (en super 8)
le petit monde autour de moi avant de filmer le Grand plus tard, je l’espérais et ne me voyais aucun autre avenir. Je ne suis pas devenu cinéaste mais écrivain et tente toujours de raconter LE monde et je ne sais si cela est fou… il me semble par contre que cela l’aurait été de renoncer parce qu’on a qu’une vie comme disait justement mon père.

Quel était votre regard sur la maladie psychique avant de commencer à faire des ateliers d’écriture avec des gens en grande difficulté ?
Le regard de beaucoup je pense, un peu inquiet devant la différence, mais il se peut que le fait d’avoir été moi aussi pris dans ma famille, sinon pour un fou, au moins pour quelqu’un de différent (par rapport à la norme en cours) m’ait placé, dans une manière de proximité avec les gens en difficulté que j’ai rencontrés plus tard en atelier d’écriture.

Avec la pratique de ces ateliers en milieu psychiatrique est-ce que ça a changé ?
Ce premier regard, inquiet devant la différence, peut-être un peu dévalorisant il faut bien le dire, a totalement disparu lorsque j’ai commencé à lire les textes écrits en atelier. Ce que je lisais était sensible, intelligent, me faisait découvrir ce que je croyais connaître par les journaux mais dont au fond je ne savais pas grand chose, d’autres vies que la mienne pour reprendre le titre du beau livre d’Emmanuel Carrère. Ces ateliers, y compris ceux que je pratique avec d’autres publics,  m’enseignent l’autre, les autres.

Comment s’est passée la résidence dans les jardins ?
Je tente de répondre à cette question dans le livre que je suis en train d’écrire suite à cette résidence. Un article dans L’Ami des jardins d’août 2014, consacré au centre horticole de l’EPSM met l’accent sur l’aspect bénéfique de la fréquentation des jardins pour les patients. Je peux dire qu’elle l’a été aussi pour moi. Profondément.

Pourquoi « Une place au milieu du monde » ?
J’ai titré mon dernier livre Une place au milieu du monde parce que j’y raconte l’histoire d’un écrivain qui tente (avec d’autres, travailleurs sociaux et médecins), via un atelier d’écriture, de remettre sur les rails des adolescents laissés au bord de la route, de leur redonner une place au milieu du monde, un engagement qui lui permettra lui aussi de trouver sa place au milieu du monde.
 
L’écriture permet-elle de lutter ?
J’ai répondu positivement à cette question dans Une place au milieu du monde. Pierre l’écrivain y mène une lutte modeste, à trois stations de métro de chez lui. Écrire ce récit était pour moi aussi une manière de lutter, de dire que l’on pouvait tenter, encore et toujours, via l’écriture et la littérature, de fabriquer de l’humain ce qui ne semble pas, aujourd’hui, inutile.
 

/sites/default/files/styles/en_tete/public/2018-09/bandeau_AE17_un-forum-pour-les-ressources-humaines_epsmal.jpg?itok=t6psBzyV